• Faire soi-même l'entretien et la réparation du bateau



    L'entretien et la réparation du bateau avec des produits mono-composant :


    Constructeur d’un des premiers Figaro 5 (le numéro 44) mis à l’eau en 1977, je
    m’interroge parfois sur le choix des produits à utiliser aujourd’hui pour entreprendre
    des travaux de réparation sur ce bateau : comment coller, enduire, peindre ou
    plastifier ?

    Cette question se pose d’autant plus, que certains produits recommandés par
    Jean-Jacques Herbulot dans les années 70 pour la construction de ses bateaux en
    contreplaqué ont disparu du commerce.

    L’époxy souvent présent dans l’offre de produits est-il à préférer au polyuréthane ?

    Sans prétendre trancher définitivement la question je me contenterai ici de livrer les
    résultats de ma propre expérience qui a, au moins, l’intérêt du recul sur plusieurs
    dizaines années.


    Tout d’abord, quelques mots de la construction de mon bateau;

    J’ai suivi scrupuleusement les consignes accompagnant les plans.
    Pour le chantier, j’ai disposé d’un local chauffé, éclairé, équipé d’un grand établi. Le luxe !

    Faire soi-même l'entretien et la réparation du bateau



    Pour les matériaux,  j’ai utilisé du contreplaqué CTBX 10 mm, les membrures étaient
    en acajou Grand-Bassam que j’ai eu la chance de trouver sous forme de plateau
    léger est souple, résistant et agréable à travailler, je crois qu’il est devenu
    introuvable.

    La colle PPU, achetée en bidons de 5 l a d’abord été utilisée pour les collages de la
    coque, puis pour la plastification. Évidemment, l'étape de la plastification avait de
    quoi intimider, c’était un saut dans l’inconnu.

    J’ai donc lu et relu la notice, pris toutes les précautions pour mettre en oeuvre dans les meilleurs conditions le roving et la PPU.
    Le résultat obtenu a été...parfait. Miraculeux ! J’ai pensé, alors, que la plastification était une opération facile. Erreur ! J’ai appris à mes dépens par la suite que le non respect des consignes conduit à des échecs. Sur les conseils d’autre Figaristes, j’ai choisi l’option de ne pas plastifier le pont et le cockpit.


    Pour l’enduit, j’ai utilisé l’ enduit cellulosique mono-composant ESM recommandé à
    l’époque et qui a disparu depuis longtemps. Cette phase de l’enduction, bien que
    longue, était assez facile à réaliser et le résultat final, bien lisse après ponçage, était
    tout à fait satisfaisant.


    Pour la peinture, la notice du Figaro recommandait une laque glycérophtalique. Sur
    les conseils d’un vendeur d’accastillage, j’ai choisi une laque polyuréthane
    mono-composant de marque Helmsman (excellente mais disparue aujourd’hui) que
    j’ai étendue au rouleau avec un beau résultat (bleu marine).


    Quel bilan après quelques dizaines d’années d’utilisation ?

    Mon bateau a longtemps fait des allers-retours entre les différents plans d’eau
    pratiqués par l’ASCOFI pour régater et le hangar où il stationnait à l’abri.
    Par la suite, le bateau a séjourné sur la Marne près de Paris plusieurs saisons amarré à un
    ponton d’un club nautique. Les vacances d’été étaient l’occasion d’aller goûter l’eau
    salée en Bretagne (Douarnenez, Les Glénans, Quiberon).
    Puis est venu le temps d’un séjour de 10 années en Bretagne pendant lequel le bateau était amarré sur
    corps mort dans le golfe du Morbihan .

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    La coque du bateau a donc connu de longs séjours dans l’eau douce et dans l’eau
    salée sans montrer d’autres traces de fatigue que l’obligation de nettoyer
    énergiquement la partie immergée à chaque sortie de l’eau et d’entretenir
    l’anti-fouling.
    Ce qui me chagrinait, par contre, ce sont les quelques défauts chroniques constatés
    sur le pont. Quelques zones de raccordement à l’entrée de la cabine travaillaient et
    devenaient des points d’entrée d’infiltration avec des risques de pourrissement du
    bois si les choses restaient en l’état. A la réflexion, il est logique que le pont qui est
    soumis à des variations de température importantes travaille davantage que la
    coque et soit plus exposé à des dégradations en raison du risque de stagnation de
    l’eau accentué dans les parties horizontales de la structure (au passage, attention
    aux bâches censées mettre à l’abri; c’est aussi un bon moyen de condenser
    l’humidité et d’empêcher le bateau de respirer si on ne laisse pas un espace
    important entre la toile et la coque).
     
    J’ai alors décidé d'entreprendre de grands travaux de rénovation. Mon projet :

    - Nouvelle peinture de la coque , en blancs pour remplacer le bleu devenu
    relativement terne et farineux par endroits (le blanc vieillit beaucoup mieux aux UV).
    - Créer des hublots dans la coque pour mieux éclairer la cabine
    - Plastification du pont et du cockpit pour éliminer les petits soucis de fissuration
    localisés.
    - Galvanisation de la dérive (sous-traitée chez un spécialiste).

    Les travaux (et le bilan qui en découle):

    Pour la peinture, j’ai choisi de rester fidèle à la peinture polyuréthane
    mono-composant qui avait donné de très bons résultats, j’ai retenu la marque
    International qui est excellente avec un grand choix de couleurs (le blanc pour la
    longévité, et l’esthétique). Le shipchandler m’a conseillé un simple nettoyage au
    white-spirit après un sérieux nettoyage de l’ancienne peinture. Ce nettoyage suffit si
    l’ancienne peinture est toujours adhérante et si l’on reste dans la même gamme de
    peintures mono-composant. Selon le shipchandler Il faut éviter l’acétone qui est trop
    volatile et laisse un film gras. En procédant selon ces conseils, le résultat a été
    parfait. Dix ans après la peinture est comme neuve.

    Ces travaux et surtout la création d’ouvertures pour les hublots ont été l’occasion
    d’ausculter l’état de la coque en profondeur. Là où la plastification a été mise à nu,
    l’état de cette “peau” paraissait neuf: couleur ambrée, adhérence parfaite au
    contreplaqué qui a gardé sa couleur d’origine, en tirant sur le tissu plastifié, le bois
    s’arrachait: impossible de séparer la couche de plastification de son support.
    Ce constat de la bonne tenue de la plastification est extrêmement rassurant
    pour la longévité de la coque (à condition que la plastification ait été bien
    réalisée).

    Par ailleurs, la bonne tenue de la colle PPU a partout été confirmée .
    Je reviendrai plus loin sur ce que je pense de cette colle mais, au niveau du constat
    après un usage sur le long terme, il n’est apparu aucune trace de décollement ou de
    faiblesse. J’ai même utilisé la PPU comme vernis pour traiter l’épontille du mât (à
    l’intérieur de la cabine, donc à l’abri des UV), ce qui était un simple essai est resté tel
    quel, comme neuf.

    La plastification du pont a été réalisée avec les produits prévus à l’origine mais dans
    de mauvaises conditions: à l’extérieur avec un moment d’exposition au soleil. La
    polymérisation de la PPU s’est emballée avec des zones de mousse et des décollements.

    Faute d’avoir respecté les conditions d’application, tout mon travail a
    été gâché et j’ai dû refaire de larges zones ratées, car dans ce cas, le roving adhère
    mal au bois et se décolle facilement en tirant sur le tissu. Si c’était à refaire, je pense
    que je ne ferais pas la plastification du pont : c’est beaucoup de travail pour des
    réparations très localisées qui auraient pu être traitées spécifiquement et cela
    alourdit le bateau…
    Les quelques zones de fissuration auraient pu être réparées
    avec une simple bande de roving enduit de PPU recouvrant les deux parties de
    l’assemblage ou en utilisant un joint souple adhérant au bois sec. Dans tous les cas,
    ces zones qui travaillent doivent être recouvertes d’un enduit relativement souple
    pour suivre les déformations (de ce point de vue un mastic époxy n’est pas une
    bonne solution: trop cassant, les fissures réapparaissent rapidement et l’adhérence
    n’est pas parfaite.).

    La galvanisation de la dérive n'était pas indispensable non plus et il aurait mieux valu
    éviter son démontage et surtout son remontage délicat. J’aurais avantageusement
    pu me contenter d'un décapage suivi d'une couche de PPU et finition au Cosmofer
    (ou époxy direct sur fonte) avant peinture.

    Faire soi-même l'entretien et la réparation du bateau



    Le bilan final de mon expérience :

    Pour les collages et la plastification le recours à la PPU est à recommander

    Avantages de la colle PPU / Contraintes :

    - Excellente adhérence sur le bois (et la peau !)
    - Un choix cohérent avec celui de l’architecte
    - Mono-composant: facilité d’emploi
    - Excellentes qualités mécaniques: reste souple et très résistant, non cassant.
    - Durabilité
    - Excellentes qualités d’étanchéité (structure fermée)
    - Un léger gonflement au durcissement qui améliore la tenue des assemblages,
    -Mettre des gants !!
    -respecter les conditions d’application (plutôt en fin d’après-midi, plage de température, etc...)
    il faut éviter de faire mousser en excès.
    - ne pas exposer aux UV sur une longue durée, il faut protéger avec enduit, peinture, les parties exposées.
    - Durcissement assez lent: maintenir le serrage des assemblages environ 12 h
    - Devient difficile à trouver à prix correct (en 5 l en particulier).
    - Attention aux produits dits équivalents:
    certains moussent beaucoup et ne conviennent pas (sauf essai préalable préférer la
    PPU 100 International)
    - Pour la plastification utiliser impérativement du roving de 270 g /m2 un tissu plus serré provoque
    des cloques et décollements. Respecter les consignes, en particulier de température et humidité.

    Astuce: on peut fabriquer des petites quantités de mastic avec de la PPU.
    Il suffit de la mélanger avec une poudre fine (poussière de ponçage, plâtre, farine, enduit de
    rebouchage en poudre…) peu importe la matière pourvu qu'elle soit fine. Il faut
    obtenir une pâte homogène et onctueuse avec laquelle on peut reboucher des trous
    ou mouler des objets…
    Après séchage de la colle, la pâte devient très dure, elle résiste aux coups de marteau, on peut la couper
    à la scie à métaux, percer, limer...

    Remarque importante: Ne jamais faire de plastification d’une coque en bois avec des
    résines polyester: mauvaise adhérence, poches d’eau, pourrissement du bois
    garanti !
    La littérature nautique rapporte ce type de mésaventure.
    Pour les enduits/mastics le choix reste ouvert
    L’enduit mono-composant cellulosique ESM n’existe plus, je n’ai pas trouvé de
    produit de remplacement équivalent.

    Les qualités attendues:
    Bonne adhérence sur bois, sur plastification, facilité d’application, temps de
    durcissement modéré (quelques heures maximum), facilité de ponçage, bonne
    tenue dans le temps, souplesse pour éviter la fissuration, bon support pour la
    peinture de finition.
    Les enduits époxy ne me paraissent pas indispensables (prix, manque de
    souplesse)
    J’ai souvent utilisé un mastic polyester pour carrosserie qui a de nombreux
    avantages, adhérence sur bois et métal, souple, facilité de ponçage: le COSMOFER,
    fabriqué par Owatrol, c’est un excellent produit (contrairement â un avis trouvé sur
    Amazon !).

    Il existe aussi des enduits mono-composant pour le bâtiment (pourquoi pas, pour
    les oeuvres mortes, après essais et à condition de protéger avec une peinture
    adaptée) mais je manque d’expérience pour conseiller quoi que ce soit.
    Pour la peinture, les laques polyuréthane mono-composant sont parfaites
    Attention les bi-composants ne conviennent pas, elles nécessitent des sous-couches
    bi-composants.

    Pour conclure , ce témoignage n’a pas la valeur d’un essai comparatif conduit
    scientifiquement. Il est possible que d'autres expériences apportent un éclairage
    complémentaire ou différent à mes conclusions, il serait intéressant de connaître
    d’autres avis, sur ce sujet qui peut intéresser les propriétaires actuels des Figaros.

    Mars 2019   Jean Kloos


  • Commentaires

    4
    Jeudi 16 Mai 2019 à 17:16

    Bjr Désiré,

    J'utilisais la PPU 100 d'international (fort chère) qui il parait ne se fait plus.
    Il faut donc se tourner vers les fournisseurs professionnels pour menuisiers.
    Si la formulation est identique, l'emballage ou les logos sur l'emballage importe peu.

    Que ce soit pour les colles, vernis et peintures et encore plus pour les résines il faut un local très ventilé et de vraies protections corporelles apropriées.

    3
    Jeudi 9 Mai 2019 à 10:53

    bonjour, j'ai construit mon maraudeur suivant la technique du contreplaqué époxy suivant le dossier de l'architecte François Vivier. Cette aventure a été passionnante et j'imagine de construire un autre bateau un peu plus grand mais toujours transportable par exemple le "clin d’œil de Pierre Delion

    cependant la résine époxy m'a provoqué des crises d'urticaires violentes et je m'interroge sur le choix de la colle. La colle PU que tu as utilisé peu elle faire l'affaire, quelle marque préfères tu ?

    Merci d'avance pour tes conseils et bonne navigation

    2
    Olivier
    Lundi 25 Mars 2019 à 08:39

    Les fabricants de peinture et produits insistent sur la notion de "système" en clair, il faut employer des produits, non seulement compatibles entre eux chimiquement, mais aussi mécaniquement. Un produit très dur, sur un autre plus souple, va se fendre. On ne recouvre pas des produits glycéro ou même polyuréthane, avec de l'époxy.

    Il faut garder à l'esprit que le CTBX préconisé par l'architecte n'est pas un matériau "noble". Ses qualités sont loin de celles d'un CP "Hydro" multi-plis et la plastification est nécessaire pour le protéger efficacement, surtout là où les assemblages sont nombreux comme autour de la marche et de la descente.

    Le mode de construction du Figaro est simplifié pour les amateurs. Les chantiers (Aubin, Craff, etc...) qui construisaient des bateaux en CP employaient du contreplaqué "Hydro", mais surtout, faisaient une défonce le long de chaque bouchain et y collaient un profil de bois massif. Ainsi, tous les chants étaient renforcés et protégés. D'où l'importance d'une bonne plastification sur Le Figaro.

    1
    Dimanche 24 Mars 2019 à 11:30

    Je suis entièrement en accord avec cet article très intéressant.
    J'ai moi même souvent utilisé un mastic époxy Internationnal pour "boucher" des petites fissures,
    et invariablement quelques mois plus tard il était déja fissuré, le bois ayant joué.

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